Label ISR : l’exclusion des énergies fossiles divise les gérants d’actifs français

La future mouture du label ISR, qui ne devrait pas exclure le charbon ou d’autres secteurs controversés, suscite l’incompréhension d’une partie des professionnels de la gestion d’actifs.
Par Amélie Laurin

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe dans le microcosme parisien de la gestion d’actifs. La réforme du label ISR (investissement socialement responsable) ne devrait finalement pas imposer aux fonds d’exclure certains secteurs d’activité jugés trop polémiques ou polluants. A l’image du charbon et des énergies fossiles non conventionnelles (gaz de schiste…).

L’information, révélée le mois dernier par « Les Echos », a donné du souffle à la pétition lancée au printemps par l’association Acteurs de la finance responsable (AFR). Le texte demande au nouveau comité du label d’exclure des fonds certifiés toutes les énergies fossiles (conventionnelles ou non). Le nombre de signatures a doublé, à plus de 650.

« Financements considérables »

« Nous avons été aidés par la résistance du comité du label et les débats autour de l’assemblée générale de TotalEnergies », explique Olivia Blanchard, présidente d’AFR et consultante indépendante. Son association rassemble plus de 300 professionnels de l’investissement, membres à titre individuel, contrairement aux organismes de Place auxquelles adhèrent les sociétés de gestion.

« Il n’est pas normal qu’un label d’Etat incontournable, qui regroupe environ 900 fonds totalisant près de 700 milliards d’euros d’actifs, flèche l’argent des épargnants vers les énergies fossiles, estime Olivia Blanchard. Ces dernières bénéficient déjà par ailleurs de financements considérables. Elles n’ont pas besoin des fonds labellisés ISR ».

La revendication de l’association n’est pas une lubie de militants. Elle est aussi portée par l’Inspection générale des finances (pour le fossile non conventionnel). Dans un rapport au vitriol sur le label ISR, l’IGF a fait des exclusions la « priorité principale dans la refonte des exigences du label », « en retrait » sur ce point des autres certifications européennes. La plupart bannissent le charbon et certaines énergies fossiles, mais aussi le nucléaire.

TotalEnergies très présent

En France, « nous ne nous faisons guère d’illusions car les exclusions n’ont pas la préférence du comité », déclare Olivia Blanchard. « Certaines grandes voix de la Place ne veulent pas en entendre parler, constate le patron d’une société de gestion. A commencer par le Medef, Paris Europlace et le rapport Perrier [commandé par Bercy au président d’Amundi, le premier gestionnaire français, NDLR] ». La mesure stigmatiserait un géant du CAC 40 comme TotalEnergies. La major pétrolière est présente dans 19 % des fonds actions ISR, selon une étude de la fintech Epsor .

Chez les investisseurs institutionnels et les gérants d’actifs, « il n’y a pas de consensus sur les exclusions qui sont un moyen, pas un objectif en soi », a estimé la semaine dernière Daniel Tondu, président de Gestion 21, lors d’un débat sur l’ISR organisé pour les 10 ans du fonds de Place Emergence.

Le label ISR exclut déjà 20 % de l’univers d’investissement des fonds, en écartant les valeurs les moins bien notées. Cette réduction pèse sur la diversification des portefeuilles, donc leur performance, estime le gérant.

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