Finance climatique : le casse-tête des sociétés en transition

Par Caroline Mignon

Les autorités de supervision appellent à une définition plus précise du concept de durabilité dans la réglementation SFDR. La proportion minimale de revenu vert et la légitimité des entreprises en transition sont au coeur des débats. Les sociétés de gestion redoutent un cadre trop réducteur.

Les autorités européennes de supervision, qui seront in fine compétentes pour surveiller l'application de la réglementation, ont posé des questions très précises à la Commission européenne.

Les autorités européennes de supervision, qui seront in fine compétentes pour surveiller l’application de la réglementation, ont posé des questions très précises à la Commission européenne. (Pascal SITTLER/REA)

Le dispositif mis en place par la Commission européenne pose un certain nombre d’interrogations, mais la plus fondamentale porte sur la définition même d’un « investissement durable ». « Celle-ci reste très vague et ouverte à interprétation de la part des sociétés de gestion », souligne Eurosif, association européenne de promotion de l’investissement durable en Europe. « L’article 2.17 sur la définition d’un actif durable dans la réglementation SFDR fait huit lignes, contre des centaines de pages dans la taxonomie européenne », ajoute Clémence Humeau, responsable de la coordination et de la gouvernance durable chez AXA IM.

Les superviseurs en action

En septembre, les autorités européennes de supervision (ESMA, EBA, EIOPA, pour respectivement les marchés, les banques, les assureurs et les fonds de pension), qui seront in fine compétentes pour surveiller l’application de la réglementation, ont donc posé des questions très précises sur le sujet à la Commission européenne.

L’exigence de durabilité porte-t-elle sur l’émetteur comme dans la taxonomie (auquel cas peu de sociétés seront éligibles) ou sur certaines de ses activités ? Et dans ce dernier cas, à partir de quel seuil de revenu dans ces activités durables une société est-elle éligible dans un portefeuille classé article 9, le niveau le plus exigeant ? Enfin, question cruciale, les sociétés dont la stratégie de transition est très robuste et déjà en mouvement peuvent-elles être considérées comme durables ?

Si ce n’est pas le cas, « le risque est de voir l’essentiel des fonds labellisés article 8, ce qui fait perdre tout son intérêt à la réglementation », craint Guillaume Abel, directeur général délégué de Mirova. De fait, Morningstar ne répertorie que 26 fonds exposés à 100 % aux investissements durables.

Exigences trop réductrices

« Pour le moment, les sociétés non cotées et les petites capitalisations spécialisées dans les activités durables ne présentent aucune ambiguïté, mais les sociétés cotées, plus larges, même si elles transforment leurs modèles économiques pour avoir un meilleur impact environnemental et social, risquent de ne pas être éligibles à l’article 9 », estime Guillaume Abel. Il regrette que les sociétés qui évoluent vers des modèles plus propres et une réduction de leur empreinte carbone, sans être encore « 100 % durables », ne rentrent pas, a priori, dans le spectre de l’article 9.

L’écosystème de la gestion a en effet aussi un rôle à jouer sur l’accompagnement des entreprises dans leur démarche de réduction du CO2. « C’est la raison pour laquelle Total Energies fait partie de notre portefeuille : les énergies renouvelables ne comptent que pour 0,3 % du chiffre d’affaires de la société mais elles représentent un tiers des investissements en 2022, soit 4 milliards d’euros, ce qui fait du groupe un des premiers investisseurs en France sur les énergies propres », indique Daniel Tondu, président de Gestion 21. Un exemple qui peut faire polémique mais qui illustre bien les enjeux et la complexité de la réglementation.

> Lire l’article sur les Echos.fr